Je me souviens de ce jeune garçon ivoirien, né en 1997, dont les parents avaient fui la crise de 2002 vers le camp de réfugiés de Grand‑Bassam. À chaque larme, son père répétait : « Tu dois être fort ; ne pleure pas, on est en sécurité ! » Cette phrase, prononcée pour protéger, est devenue pour lui un impératif indélébile : résister, maîtriser ses émotions, ne jamais montrer sa vulnérabilité.
Des années plus tard, devenu adulte, il m’a confié :
« Dès que je ressens du stress, je me mets en mode “bouclier” : je serre les poings, je bouffe tout ce qui passe pour “tenir bon” ! »
«Tu dois être fort.»
«Ne pleure pas.»
«Prends sur toi.»
Ces phrases, vous les avez peut-être entendues dès l’enfance. Elles étaient peut-être dites avec amour, avec l’intention de vous protéger. Mais au fil des années, ces mots sont devenus des règles de vie. Une force imposée. Une carapace.
Et aujourd’hui, vous vous sentez épuisé, isolé émotionnellement, incapable de demander de l’aide. Pourquoi ? Parce que vous portez, sans le savoir, une injonction familiale ancienne et puissante.
Explorons ensemble comment cette injonction «Tu dois être fort» influence votre bien-être… et comment il est possible de s’en libérer.
Une injonction familiale, c’est quoi ?
Dans chaque famille, il existe des messages transmis implicitement. Ce sont des règles silencieuses, jamais remises en question, qui guident les comportements.
Une injonction familiale, c’est un message qui dit ce que vous devez être ou ne pas être pour rester loyal à votre famille.
«Tu dois être fort», c’est ne pas montrer ses émotions.
«Tu dois réussir», c’est ne pas décevoir ceux qui se sont battus pour vous.
«Tu dois faire honneur à ta lignée», c’est oublier ses besoins pour porter ceux des autres.
Ces injonctions ne sont pas des critiques : elles sont souvent le reflet de stratégies de survie mises en place dans les générations précédentes. Des stratégies qui se transmettent inconsciemment et qui finissent par peser sur le bien-être des descendants.
D’où vient l’injonction « Tu dois être fort » ?
Un héritage collectif de douleur
Dans de nombreuses familles africaines et européennes, l’histoire récente est marquée par :
- les guerres civiles ou coloniales
- l’exil forcé
- les humiliations sociales
- les traumatismes liés à la pauvreté ou à la famine
- les deuils impossibles ou non exprimés
Dans ces contextes, montrer ses émotions pouvait être dangereux ou inutile. Il fallait survivre. Il fallait tenir. Il fallait être fort, coûte que coûte.
Ce modèle s’est transmis à travers les générations. Pas toujours par des mots, mais par des comportements, des silences, des regards.
Quelques exemples concrets
Rwanda – post-génocide
Après le génocide de 1994, de nombreuses familles ont survécu en gardant le silence sur leurs douleurs. Les enfants nés après les massacres ont grandi dans des foyers où l’émotion n’avait pas de place. Aujourd’hui, de nombreux jeunes adultes rwandais présentent des troubles anxieux ou une hyper-responsabilité émotionnelle : ils doivent être forts pour ne pas raviver la douleur de leurs parents.
Peuls de plusieurs Etats de l’Afrique de l’ouest – migration et dignité
Chez certains Peuls déplacés à cause de conflits ou de sécheresses, l’honneur familial repose sur la dignité et la maîtrise de soi. Pleurer ou demander de l’aide est souvent mal vu. Les générations suivantes, même éloignées du contexte initial, se sentent coupables de toute vulnérabilité.
Enfants de rescapés juifs ou arméniens
Des études ont montré que les descendants de survivants de génocides présentent souvent une charge émotionnelle invisible. L’injonction à être fort devient une dette morale : «Ils ont tant souffert, je n’ai pas le droit de faiblir.»
Comment cette injonction vous affecte aujourd’hui
La personne qui porte l’injonction «Tu dois être fort» développe souvent des mécanismes d’adaptation :
- Elle prend soin des autres, mais ne demande jamais rien.
- Elle minimise ses douleurs («ce n’est rien», «y a pire ailleurs»).
- Elle ne se donne pas le droit d’être fatiguée.
- Elle ne pleure jamais en public, ni parfois même seule.
Avec le temps, cela conduit à :
- une fatigue chronique émotionnelle
- des troubles anxieux ou dépressifs
- des difficultés relationnelles (impossibilité de se montrer vulnérable)
- un isolement intérieur : être fort, mais seul
Ce n’est pas de la magie, c’est de la systémique
Il ne s’agit pas ici de psychologie magique ou de croyance ésotérique. La thérapie transgénérationnelle repose sur une approche systémique et factuelle.
On n’analyse pas seulement l’individu, mais le système familial dans lequel il évolue, et les règles implicites qui y circulent.
Grâce aux constellations familiales et systémiques, on peut faire émerger ces injonctions, les nommer, les observer — parfois pour la première fois.
Cela permet à la personne de reprendre sa liberté intérieure, de comprendre que cette force qu’elle porte n’est pas un défaut, mais une fidélité invisible à un parent, un grand-parent, une lignée.
Et une fidélité que l’on peut honorer autrement, sans se sacrifier.
Peut-on s’en libérer ?
Oui. Mais cela commence par une étape essentielle : la prise de conscience.
Il ne s’agit pas de rejeter sa famille. Il s’agit de reconnaître que l’injonction «Tu dois être fort» a été utile un temps… mais qu’elle ne l’est peut-être plus aujourd’hui.
Un accompagnement en thérapie transgénérationnelle vous permettra de :
- Identifier les injonctions invisibles qui gouvernent votre comportement, vos choix, vos décisions,… votre vie.
- Travailler sur les histoires familiales et les contextes d’origine
- Rendre à chacun ce qui lui appartient
- Se reconnecter à ses émotions profondes, sans honte
- S’autoriser à vivre pour soi, et non à travers les attentes héritées
En conclusion
«Tu dois être fort» est une phrase qui semble valorisante. Mais lorsqu’elle devient un impératif permanent, elle nous enferme dans une solitude émotionnelle et une exigence impossible.
En regardant derrière cette force, on découvre souvent une histoire familiale marquée par la douleur, la survie, le silence.
S’autoriser à ne pas être fort, c’est ne plus porter seul le poids de la lignée. C’est faire un pas vers soi. C’est guérir non seulement pour soi, mais pour ses enfants… et pour ceux qui n’ont jamais pu pleurer.
Vous vous reconnaissez dans cette loyauté invisible ?
Je suis Dre Marie-Thérèse FAZAA, thérapeute transgénérationnelle et je vous accueille à Abidjan ou en consultation en ligne pour vous accompagner avec une approche rigoureuse, humaine et profondément libératrice.
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